Eglise Catholique italienne et personnes LGBT. Tentatives de pastorales
Article d’Innocenzo Pontillo* publié sur l’hebdomadaire Adista Segni Nuovi (Italie), n°9 du 14 mars 2017, p.12-13 , traduit par Cécile Maurette
Les quelques mots contenus dans l’exhortation apostolique post-synodale Amoris Lætitia sont-ils aujourd’hui les seules nouveautés du magistère sur le thème de l’accueil des personnes homosexuelles dans l’Eglise Catholique ? N’est-ce pas trop peu, après deux ans de débats sur le sujet, d’une certaine façon inédit, et deux synodes ?
En vérité, cette discussion a commencé bien avant, amplifiée par ce “si une personne est gay et cherche le Seigneur avec bonne volonté, qui suis-je pour la juger?“, la phrase prononcée par le Pape François le 29 juillet 2015, sur le vol de retour des JMJ au Brésil.
Depuis, ils sont nombreux ceux qui se demandent si quelque chose est vraiment en train de changer sur ce sujet dans l’Eglise Catholique, conscients que “tous les débats doctrinaux, moraux ou pastoraux ne doivent pas être tranchés par des interventions magistérielles“(Amoris Lætitia, 3).
Tenter de parler de ce qui évolue dans l’Eglise Catholique italienne à propos de l’accueil des personnes homosexuelles et de leurs familles signifie justement se pencher sur les “différents interprétations de certains aspects de la doctrine ou certaines conditions qui en dérivent” (Amoris Lætitia 3). Des initiatives ont commencé à apparaître, peu à peu, dans l’Eglise italienne aussi, en rendant visibles des chemins pastoraux d’inclusion qui souvent existaient déjà depuis longtemps sans n’avoir jamais eu droit à une vraie place dans l’Eglise, ou bien en en créant d’autres. Examinons ce parcours ensemble.
La première étape est certainement le document final du cours de formation pour opérateurs pastoraux “Accompagner spirituellement dans les frontières de l’existence: les personnes homosexuelles croyantes” (Maison du Sacré-Cœur à Galloro di Ariccia-Rome, 17-19 avril 2015), pendant lequel, pour la première fois, opérateurs pastoraux et personnes homosexuelles, une cinquantaine en tout, suite à la sollicitation de l’équipe de “spiritualité des frontières”, ont débattu ensemble sur les moyens d’entreprendre un vrai chemin pour les chrétiens lgbt, identifiant l’écoute réciproque et la rencontre réelle comme étant les premiers signes nécessaires dans l’Eglise pour pouvoir le commencer.
Une invitation qui est devenue un geste concret, quelques mois après la fin du Synode de la Famille, quand au IVème Forum des Chrétiens Lgbt italiens (Albano Laziale, 15-17 avril 2016)), plus de 150 personnes chrétiennes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (LGBT), leurs parents et les opérateurs pastoraux qui les accompagnent, ont rencontré pour la première fois Monseigneur Marcello Semerato (évêque d’Albano et secrétaire du Conseil des cardinaux du Pape). Ce fut une rencontre inédite, pendant laquelle quelques parents chrétiens ayant des enfants lgbt ont demandé explicitement à Mons. Semerato : “Pourquoi notre Eglise n’accueille-t’elle pas nos enfants ?“. Face à leurs questions, quelque chose s’est produit.
Avvenire, le journal du Conseil Episcopal Italien (CEI), pour la première fois, a parlé de cette rencontre, et au cours des mois successifs, a essayé de donner une réponse aux questions de ces parents à travers une série d’articles : “Eglise et chrétiens lgbt. Les questions des chrétiens homosexuels” (7 mai 2016) ; “Les groupes chrétiens lgbt suivis au sein d’une paroisse” (4 octobre 2016) ; “La nouvelle pastorale. L’Eglise et les gays : «Ainsi nous accueillons qui demande de l’aide»” (28 janvier 2017).
Le congrès national de la commission famille du Conseil Episcopal Italien (Assisi 11-12-13 novembre 2016), pour la première fois a voulu se confronter au thème de “l‘expérience de familles ayant des membres à tendance homosexuelle… quelle formation pour prêtres et accompagnateurs?” avec le témoignage d’un jeune gay catholique et de deux parents catholiques qui ont un fils gay. Pour la première fois, on a parlé de personnes homosexuelles et de leur familles en leur donnant la parole, en leur faisant raconter leurs chemins personnels et de foi.
Le diocèse de Turin, où une pastorale pour les personnes homosexuelles est active depuis quelques années, a aussi voulu répondre à cette demande d’un chemin “au grand jour“.
“Libérer les existences” (6-8 janvier 2017) a été la première retraite publique organisée par le diocèse adressée expressément aux personnes homosexuelles, à leurs familles et à ceux qui opèrent dans ce secteur pastoral. Une rencontre à laquelle l’archevêque Cesare Nosiglia également a voulu participer, prenant la parole ainsi: “Je suis ici pour entendre vos voix et vous regarder dans les yeux” et concluant avec le souhait “Que votre groupe (de chrétiens lgbt) devienne un pont entre le monde homosexuel et l’Eglise”.
Je termine ce voyage par un regard sur la réalité de parents catholiques d’enfants lgbt, née dans le diocèse de Parma, un fruit concret du Jubilé de la Miséricorde. Corrado, un de ces parents, raconte qu’après l’ouverture de la Porte Sainte à Parma, “à la fin de la procession, devant l’évêque, à la prière universelle, Michela et moi avons lu devant l’assemblée composée de fidèles de tout le diocèse, cette intention «Notre famille, avec un fils homosexuel, ressent aujourd’hui le devoir de remercier de tout c?ur le Seigneur pour nous avoir fait ce don qui nous a permis de goûter à la richesse et à la beauté de la différence dans l’unité de la famille et de l’Eglise. Prions pour que tous, vraiment tous, se sentent désirés, attendus, aimés, accueillis par le c?ur miséricordieux de Jésus et par son épouse l’Eglise.»
Une invitation qui a poussé de nombreux parents d’enfants lgbt, en dialogue avec l’évêque de Parma, à se réunir pour donner vie au groupe David pour parents catholiques d’enfants lgbt, pour se redécouvrir “trois fois parents”, parce que “c’est seulement quand on devient conscient que l’on peut aider nos communautés et l’Eglise à changer pour être plus accueillantes et inclusives pour nous et nos enfants que nous devenons parents pour la troisième fois“.
*Innocenzo Pontillo est un volontaire du “Projet Gionata”
Texte original> Chiesa cattolica italiana e persone Lgbt. Prove di pastorale